Vision
22.01.2024
Pour une pensée systémique
« Pour une pensée systémique » de Donella H. Meadows est une introduction d'une grande accessibilité à l'analyse systémique. Un coup d'oeil sur le livre et son contenu, et ce qu'on en a pensé chez Klaro Cards.
Traduit en français en 2023 par les Éditions Rue de l'échiquier, voilà sans doute LE livre à lire en 2024. Il invite à prendre un peu de recul sur les problèmes et leurs solutions (ou pseudo-solutions), et il rappelle que l'enjeu se situe à l'échelle individuelle, d'équipe, d'entreprise ou beaucoup plus globale, technique, politique, économique ou autre.
Le livre en (trop) bref
Donella Meadows invite à voir les systèmes comme des triplets - des éléments, des interactions entre eux, et un objectif systémique. Un tel système se comporte en fonction de stocks (une accumulation de...) et de flux entre eux (un mouvement de...), et il est régi par des boucles de rétroaction régulatrices (qui stabilisent certains comportements ou stocks) et amplificatrices (qui renforcent les comportements, ou font croire ou décroitre les stocks, parfois de manière exponentielle).
De la régulation du chauffage central de nos maisons aux écosystèmes naturels, en passant par l'économie ou la régulation de la toxicomanie, le livre fourmille d'exemples simples à comprendre et pertinents pour la modélisation proposée.
Après un premier exposé du modèle de pensée (sans une ligne de mathématique, rassurez-vous) et une visite guidée de systèmes plutôt simples, l'autrice nous explique pourquoi nos systèmes peuvent se montrer si stables ou si obstinés, qu'il s'agisse d'une stabilité souhaitée (par exemple, la régulation de la température) ou d'une obstination crasse (par exemple, notre incapacité à sortir d'une addiction). Elle nous indique les pièges et opportunités face aux systèmes, et les leviers plus ou moins efficaces d'intervention pour les faire évoluer vers les comportements souhaités.
Ce qu'on en a pensé
Vous l'avez sans doute compris, je suis plutôt dithyrambique. De mes études d'ingénieur à ma thèse de doctorat (voir plus bas), je pense pouvoir dire que j'étais déjà largement introduit à la pensée systémique. Cela ne m'a pas empêché d'apprécier l'exposé et d'y apprendre pas mal de choses.
La pensée systémique proposée par Meadows est à la fois simple et applicable largement. On en ferait selon moi fort bon usage dans le cursus scolaire, par exemple en rhéto (en terminale, pour nos amis de France). À défaut de la donner à tout le monde dès le secondaire, il devrait s'agir d'un cours obligatoire à l'université et certainement d'un passage obligé pour tous les décideurs, économiques et politiques par exemple. Pas moins.
Je ne peux évidemment m'empêcher de chercher les similitudes et différences entre cette approche des systèmes proposée par Donella Meadows et KAOS (Keep All Objectives Satisfied) une méthode systémique d'analyse des systèmes informatiques enseignée un temps en master à l'UCLouvain et à laquelle j'ai contribuée dans ma thèse de doctorat.
Quoiqu'ayant une base commune (un système est composé d'agents qui interagissent pour atteindre des objectifs), les approches sont fort différentes. Les flux et stocks ne sont par exemple pas du tout explicites dans KAOS. A contrario, le raffinement systémique par l'analyse d'obstacles, une de grandes forces de KAOS qui consiste à améliorer un système en fonction des comportements qu'on ne souhaite pas le voir exposer, n'est pas aussi bien guidée chez Meadows. La comparaison n'est pas aisée cela dit, voire peu pertinente, puisque KAOS est du domaine de l'analyse discrète et plutôt linéaire, alors que la systémique de Meadows s'applique surtout à des systèmes continus non linéaires.
Parmi les autres différences fondamentales que j'ai appréciées, la proposition de Meadows est de voir dans la résultante de facto des comportements d'un système son objectif de haut niveau. Une approche descriptive quelque part à l'opposé de KAOS, où l'on cherche plutôt de manière prescriptive à décomposer des objectifs de haut niveau souhaités du système en comportement attendus (des humains) ou requis (du matériel et des logiciels).
Cette proposition de l'autrice est fort bien ancrée dans le réel, et me parle personnellement sur le plan sociétal, entrepreunarial et écologique. Je paraphrase l'autrice :
La meilleure façon de connaître l'objectif d'un système est de l'observer suffisamment longtemps. La mauvaise façon est d'écouter ce que ses acteurs en disent.
Enfin, on sait que l'autrice est à l'origine des « limites de la croissance » (Club de Rome) très souvent discutée ces temps-ci face à l'urgence climatique et écologique. J'ai personnellement apprécié voir cette question abordée en dehors de la sphère économique, où elle n'est que trop sujette à débat. J'espère que la lecture du livre permettra à nombre de gens de découvrir que cette pensée est moins de l'ordre d'une opinion politique hautement discutable que d'une observation scientifique des systèmes complexes (Discutable également, puisque la science n'est qu'un état de nos connaissances à un instant donné. Mais elle n'est discutable sérieusement que dans la mesure où un contre-modèle fiable est alors proposé).
Et Klaro Cards dans tout cela ?
Klaro Cards me permettra peut-être de rapprocher ces deux visions complémentaires de la systémique à l'avenir. En effet, le logiciel est inspiré :
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des bases de données relationnelles, en particulier de l'uniformité et la neutralité qu'elles utilisent dans la représentation de l'information : une information numérique est un fait concernant le monde que la digitalisation veut représenter.
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de KAOS, qui formalise les conditions nécessaires pour que des agents puissent collaborer efficacement, conditions sur la disponibilité et le contrôle des informations, précisément.
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du Lean, qui cherche entre autres à optimiser le travail par décomposition et gestion des flux et des stocks (matériels et immatériels).
C'est la pensée Lean qui est a priori la plus proche de la systémique de Meadows. En termes Klaro-iens :
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Chaque board Klaro affiche en permanence un sous-ensemble de cartes, donc de faits sur le monde (digitalisé). Par exemple les fonctionnalités encore à développer, les tâches à prioriser, les dossiers clients à discuter à la prochaine réunion de management. Il s'agit d'un stock, ni plus, ni moins.
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Au delà du raffinement de l'information elle même (par exemple, la priorisation d'une liste d'idées) le fait de faire bouger les cartes dans Klaro crée automatiquement des flux : les cartes bougent magiquement de board en board, exposant l'information nécessaire à qui en a besoin.
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L'existence même des boards, et la possibilité d'en créer à la volée pour exposer la bonne information à la bonne personne au bon moment, n'est autre qu'un mécanisme de régulation : il vise à garantir l'intelligence collective du système tout entier, par une grande transparence et une objectivation du réel (digitalisé).
Il me reste donc à voir quels pièges, quelles opportunités, et quels leviers proposés par Donella Meadows peuvent mener à de nouvelles fonctionnalités dans Klaro Cards pour améliorer nos projets et équipes. Du travail en perspective :-)